Concours triennal à la fin du XIXe siècle

Concours triennal à la fin du XIXe siècle

Artiste : Firmin-André Salles

Conseillers : Đỗ Thị Hương Thảo, Mai Nguyen Anh, Phạm Thanh Hương

Scénographie : Nguyen Manh Tuan, Mai Nguyen Anh

Lieu : Temple de la Littérature

Adresse : Van Mieu – Quoc Tu Giam, Hanoi

Durée : du 01 au 30 novembre 2025

Vernissage : 06 novembre 2025 à 10h00

À Photo Hanoi ’25, une sélection de photographies du photographe français Firmin-André Salles – immortalisant le khoa thi Hương (examen régional) organisé à Nam Định en 1897 – sera présentée dans un espace d’exposition exceptionnel. Conçu en écho à l’architecture des anciens centres d’examen mandarinal, ce lieu marie le bambou, matériau emblématique de la culture vietnamienne, à un design contemporain, offrant une expérience visuelle à la fois vivante et immersive. Installée sous la canopée verdoyante du Temple de la Littérature, site historique incarnant l’esprit du savoir et l’héritage culturel de la nation, cette structure se dresse tel un symbole de la vitalité pérenne et de la beauté intemporelle de la connaissance.

Le système des examens impériaux sous la monarchie vietnamienne représentait un modèle rigoureux de sélection des élites, profondément imprégné des valeurs confucéennes qui prônent le respect des lettrés et la primauté du mérite. Pour accéder à la fonction publique et espérer servir la cour impériale, les candidats devaient franchir plusieurs étapes d’épreuves hautement compétitives. Du niveau local, ils progressaient vers l’examen régional (thi Hương), puis national (thi Hội), avant de se mesurer au concours du Palais (thi Đình), organisé à Hué, capitale impériale. Les lauréats recevaient des titres en fonction de leur rang : Tú tài (bachelier), Cử nhân (licencié), et Tiến sĩ (docteur), le plus éminent d’entre eux étant élevé au rang prestigieux de Trạng nguyên (premier lauréat).

Parmi ces étapes, l’examen Hương, organisé tous les trois ans à l’échelle régionale, occupait une place cruciale. Véritable épreuve de sélection, il réunissait des milliers de lettrés venus de tout le pays, confinés pendant plusieurs jours dans des « camps de lettrés » (trại sĩ), placés sous une stricte surveillance impériale. L’examen comportait quatre volets : les Cinq Classiques confucéens, l’histoire et les institutions nationales, des études de cas administratives, et la composition d’un poème classique en chinois littéraire (chữ Hán). Les épreuves étaient anonymes, les sujets dévoilés à l’aube, les copies rendues avant minuit, puis scellées avec soin. Seule une élite intellectuelle restreinte accédait au titre de Cử nhân, sésame pour les concours de niveau supérieur.

Ce système ne relevait pas seulement de l’éducation, mais constituait également une institution politique et sociale fondamentale, fondée sur l’idéal selon lequel le savoir et la vertu prévalent sur la naissance. Il garantissait un principe d’équité et d’intégrité dans l’administration impériale, en accord avec la maxime : « Seule la sagesse véritable mérite le respect ». Ces examens, d’une solennité remarquable, étaient perçus comme de véritables événements publics, mobilisant l’attention de toute la société.

Mais avec la colonisation française à partir de 1884, le système fut progressivement démantelé. Le centre d’examen Hương de Hanoï fut fermé, et dès 1886, les candidats du Nord furent contraints de se rendre à Nam Định. En 1915, l’ultime édition de l’examen Hương marqua la fin d’une époque dans le nord du pays. Cette session symbolisait l’intégration des derniers lettrés confucéens au sein d’un nouvel ordre éducatif, inspiré du modèle occidental imposé par l’administration coloniale. Bien que près de 10 000 candidats se soient présentés, 80* seulement ont réussi, illustrant à la fois la rigueur et le prestige encore vivace de ce système. Fait marquant : l’apparition du français et du chữ Quốc ngữ (vietnamien romanisé) dans les épreuves. Outre la maîtrise du chinois classique, les candidats devaient désormais traduire des textes en français, et répondre à des questions en sciences, géographie ou histoire – disciplines introduites par l’école coloniale. L’abolition de ces concours, ainsi que le recul progressif du chinois classique au profit du français et du Quốc ngữ, transformèrent en profondeur le paysage éducatif vietnamien, et avec lui, la structure sociale et culturelle du pays.

La session d’examen Hương de 1897 reste une édition singulière : elle fut la seule à s’ouvrir en présence du Gouverneur général de l’Indochine française. Cette circonstance inédite permit à Firmin-André Salles de photographier cet événement marquant de la vie politique et culturelle vietnamienne. Les clichés exposés comptent parmi les rares témoignages visuels de cette époque, aujourd’hui conservés par la Bibliothèque nationale de France et la Société de Géographie. Ils captent avec justesse l’ambiance à la fois solennelle, dense et animée des anciens concours mandarinaux.

Firmin-André Salles (1860–1929), explorateur et photographe, travailla au Vietnam, au Laos et au Cambodge entre 1896 et 1898. Grâce à la technique de la plaque sèche, il réalisa des images d’une précision et d’une clarté exceptionnelles, offrant une fenêtre vivante sur les paysages, le quotidien, et les pratiques culturelles et éducatives du Vietnam à la fin du XIXe siècle.

Pour enrichir cette exposition, nous avons fait appel à des historiens et des spécialistes afin de compléter les archives par des recherches croisées. Leurs contributions offrent une lecture plus fine et plus complète de l’examen Hương, ainsi qu’un éclairage sur les personnages saisis par l’objectif de Salles.

Le choix du Temple de la Littérature comme lieu d’exposition n’est pas anodin. Il ne fut pas le théâtre de tous les examens impériaux, mais il reste le cœur symbolique de la tradition lettrée vietnamienne, ainsi qu’un sanctuaire du savoir et du mérite. Ce rôle se manifeste notamment à travers les 82 stèles de pierre encore visibles aujourd’hui, portant les noms des docteurs admis au concours du Palais (thi Đình) — inestimable témoignage gravé dans la pierre de l’histoire intellectuelle du pays.

Ainsi, cette exposition ne se limite pas à la présentation d’un fonds photographique rare et précieux : elle constitue une véritable invitation à repenser notre rapport à l’histoire à travers l’image. Nous espérons offrir au public une expérience artistique et pédagogique, mêlant contemplation esthétique, découverte des techniques photographiques anciennes et immersion dans le monde complexe du savoir, de l’examen et de la transmission dans le Vietnam ancien.

*Registre des concours impériaux de la dynastie nationale, par Cao Xuân Dục.

INFORMATIONS PRATIQUES
01/11 - 30/11 - 09:00 - Ha Noi
Temple de la littérature
58 Quoc Tu Giam, Dong Da, Hanoi